Vote des résolutions en AG : réellement complexe
Il vous est certainement arrivé de rester perplexe devant les résolutions en Assemblée Générale pour lesquelles on vous demande de voter en tant qu’actionnaire au nominatif pur. La meilleure preuve en est le faible taux de participation au vote des personnels d’Orange qui détiennent des actions de l’entreprise suite à l’attribution d’actions gratuites dans le cadre du plan NExT (actions gérées par BNP Paribas), et ce en dépit des facilités pratiques offertes par le vote électronique… et même de l’éclairage que nous vous proposons ici avant chaque AG d’Orange. Vous vous sentez peut-être un peu « dépassé », voire « stupide », face à ces textes alambiqués, auxquels il faut mentalement rattacher toutes les conséquences possibles de leur adoption pour prendre position. Rassurez-vous : vous n’êtes pas les seuls à vous gratter le crâne face à ces projets de résolutions !
La réalité, c’est que la complexité, tant de la rédaction juridique que des implications de telle ou telle résolution, nécessitent non seulement un peu d’expertise, mais surtout énormément de temps pour plonger dans les sujets, et les suivre au fil du temps pour pouvoir exprimer un vote éclairé. C’est tellement vrai que les fonds d’investissement eux-mêmes ont recours à des experts : les agences de conseil en vote.
Qu’est-ce qu’une agence ce conseil en vote ?
Voici la définition proposée par Wikipedia :
Les agences en conseil de vote (les proxy advisors) offrent des services en recommandations de vote et plus généralement en matière de gouvernance d’entreprise.
Ces agences se sont créées à la demande des investisseurs institutionnels qui ne prennent généralement pas le temps de participer directement aux assemblées générales. Ainsi, ces actionnaires, par manque de temps, utilisent les services des agences en conseil de vote afin qu’elles étudient en détail pour eux les rapports et les projets de résolution des sociétés cotées. Ces agences émettent alors des recommandations de vote sur chaque résolution proposée par les sociétés cotées.
Par ce système, les investisseurs institutionnels délèguent leur orientation de vote à ces agences, leur donnant ainsi un pouvoir que les émetteurs se doivent de prendre en compte. En amont des résolutions, se créée ainsi le plus souvent un dialogue entre les agences en conseil de vote, l’émetteur et éventuellement les investisseurs institutionnels.
Les agences en conseil de vote contribuent également à la production du rating gouvernance.
En France, parmi les agences en conseil de vote, figurent : RiskMetrics, ISS governance, Proxinvest, Glass, Lewis & Co. et AFG. RiskMetrics ISS serait l’agence ayant la plus grosse part de marché à l’échelle mondiale.
Quelle appréciation peut-on porter sur ces agences de conseil en vote ?
Laissons ici la parole à Colette Neuville, Présidente de l’Association pour la Défense des Actionnaires Minoritaires ADAM (propos exprimés dans une newsletter éditée par KPMG) :
Quelle est votre appréciation de l’influence grandissante des agences de conseil en vote ces dernières années ?
C’est le problème de l’externalisation du pouvoir au profit de ces agences de conseil en vote. Elles ne font en principe que du conseil, mais à partir du moment où les gérants craignent d’engager leur responsabilité s’ils ne suivent pas les recommandations d’une agence réputée, cela revient à externaliser leur pouvoir d’actionnaires. C’est très préoccupant, d’autant plus qu’il y a principalement deux agences américaines sur le marché, qui prétendent imposer leurs vues à l’ensemble
de leurs clients internationaux, se plaçant ainsi au dessus des lois nationales. Elles exercent de fait un pouvoir considérable sur les entreprises dans le monde.Ces pratiques participent à la destruction de l’efficacité du capitalisme en imposant aux entreprises des règles à l’efficacité non prouvée, alors que l’efficience repose principalement sur la concurrence, elle-même basée sur l’existence de différences.
Or la normalisation à l’excès supprime les différences, y compris dans le mode de gouvernance. La gouvernance fait fausse route en s’intéressant aux moyens plutôt qu’aux résultats, car lorsqu’un actionnaire achète une action, il n’achète pas de la gouvernance, mais une espérance de résultats. Quantité d’exemples montrent que les « champions » apparents en matière de gouvernance sont loin d’avoir été des champions en termes de résultats.
Le propos est cinglant, mais particulièrement lucide…
Quel rapport avec l’actionnariat salariés ?
L’un des intérêts de l’actionnariat salariés, lorsque les actions sont logées dans un PEE (Plan d’Epargne Entreprise) ou PEG (Plan d’Epargne Groupe), comme c’est le cas pour les fonds Orange Actions et Cap’Orange, chaque fonds dispose d’un Conseil de surveillance, dans lequel les personnels de l’entreprise sont représentés (voir nos articles sur les récentes élections au sein du fonds Cap’Orange).
Chaque Conseil de Surveillance :
- vote les résolutions proposées à l’AG des actionnaires, avec un poids proportionnel au % du capital de l’entreprise détenu dans le fonds,
- mais peut aussi proposer des résolutions à l’AG des actionnaires.
Vos représentants CFE-CGC Orange dans les Conseils de Surveillance des fonds du PEG ont développé leur expertise au fil du temps, et travaillent sur tout ce qui relève non seulement de l’épargne et de l’actionnariat salarié, mais aussi de la stratégie financière de l’entreprise, dont une partie est validée par l’AG des actionnaires, comme par exemple le montant du dividende, qui doit être approuvé par l’AG chaque année.
C’est à leur initiative qu’en 2012, une résolution alternative à celle proposée par le Conseil d’Administration de l’entreprise a été proposée au vote des actionnaires concernant le montant du dividende…. et a recueilli 15% des suffrages (alors que les seuls personnels actionnaires ne représentaient que 4% du capital détenu). Une première dans une entreprise du CAC 40… que nous comptons bien renouveler lors des prochaines AG.