Comme chaque année, le rapport sur l’État actionnaire de l’Agence des Participation de l’État fait couler de l’encre. On peut ainsi lire, sur le blog « L’éco décodée » :
[…] l’an dernier les entreprises publiques ont réalisé, au total, 5,8 milliards d’euros de bénéfices. Soit 2 milliards (presque un tiers!!!) de moins qu’en 2010.
Ce n’est pas trop grave en soi.
Ce qui l’est plus, en revanche, c’est le chiffre suivant : les dividendes versés par ces mêmes entreprises à l’état en 2011 se sont élevés à 4,4 milliards soit 100 millions de plus qu’en 2010. Étonnant, non ? Les résultats des entreprises publiques ont baissé d’un gros tiers mais l’actionnaire, lui empochera la même somme. Les financiers avisés me rétorqueront que les dividendes perçus en 2011 sont normalement basés sur les résultats de l’exercice 2010 donc que ce n’est pas tout à fait absurde…
Sauf que le rapport précise que « ce montant (ndlr de dividendes) restera stable en 2012 et s’établira à 4,5 milliards d’euros ».
Bref, l’Etat exsangue est obligé de ponctionner le plus de dividendes possibles à ses entreprises publiques, même si leur situation s’aggrave à elles aussi.
Dès lors, le taux de distribution (rapport entre les dividendes et le résultat) va grimper cette année à 77,6% ! contre 55,7% l’an dernier. Un record absolu. Au milieu des années 2000 ce taux évoluait plutôt autour des 35%.
En 2010, le taux de distribution des entreprises du CAC 40 s’est élevé à 46,7%. Et la moyenne historique, dans ces grandes entreprises privées pourtant détenues par des grands fonds de pension, est plutôt de 40% (avec un pic de 62,3% en 2009 lié à l’effondrement des résultats dans la foulée de la crise des subprimes).
Voilà donc une preuve supplémentaire qu’un État surendetté ne peut être un actionnaire avisé. Pas étonnant, dans ces conditions, que la valeur du portefeuille coté de l’APE soit passé de 69 milliards d’euro le 31 août 2011 à 60,2 milliards le 31 août 2012, soit une baisse de 12,77 % à comparer à une hausse du CAC 40 de 4,80 % sur la même période…..
Certains y voient évidemment l’opportunité à demander que l’État se dépêche de vendre toutes ses participations. L’approche est simpliste, et tout simplement irréaliste en ce qui concerne France Télécom… dont les deux tiers des effectifs français sont des fonctionnaires d’État.
On peut en revanche partager trois points clefs de cette analyse, déjà évoqués dans ce blog, mais que l’on peut rappeler :
- L’État doit se montrer à la fois raisonnable et cohérent : il ne peut à la fois taxer les entreprises qui distribuent des dividendes et continuer d’exercer une pression insoutenable sur les entreprises dont il détient une partie du capital. Dit plus trivialement, il devrait « montrer l’exemple ».
- Il doit se dégager des vues à court terme, en préservant les capacités d’investissement, et le potentiel d’emplois associé, des entreprises dont il est actionnaire, dans l’intérêt industriel des entreprises concernées, et dans l’intérêt collectif de la nation. En particulier lorsque les investissements des entreprises en question constituent un levier de croissance pour l’ensemble de l’économie, comme c’est le cas des télécommunications.
- Enfin, la corrélation entre la baisse de la valeur du portefeuille et le montant des dividendes versés vient ici confirmer ce que nous disons depuis longtemps, à rebours du discours longtemps affiché par la direction financière de France Télécom : oui, c’est mathématique et mécanique, le versement de dividendes trop élevés consomme les fonds propres de l’entreprise et détruit la valeur de l’action. S’il peut y avoir d’autres raisons à la baisse du cours de l’action, pour France Télécom, l’aberrante politique de dividendes menée ces dernières années a de toute évidence contribué à l’érosion du cours.
Il aura fallu attendre la crise économique, aggravée dans le secteur des télécoms par une régulation irresponsable, pour qu’enfin la baisse du dividende soit annoncée à France Télécom. Si cette mesure avait été prise plus tôt, l’entreprise serait aujourd’hui en meilleure posture pour continuer d’investir à un niveau soutenu, et préparer la sortie de crise : c’est l’un des fondamentaux de l’économie d’entreprise, celles qui investissent pendant les périodes difficiles bénéficient mieux et plus vite de la sortie de crise.
Les prévisionnistes prévoient l’embellie pour 2014. Nous militerons activement pour qu’à ce moment là, personne ne soit tenté de repartir dans une distribution de dividendes extravagante : les télécommunications ne sont pas un secteur de « rente » comme certains voudraient le faire croire, mais un domaine toujours en mutation, où l’innovation et le déploiement d’infrastructures de pointe restent la clef du succès.